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Conseillère municipale, habitante de Bagnols depuis 1975, Suzanne Bayle tient maintenant l'unique épicerie du village. Elle est donc devenue une personne en vue dans la Commune, mais... nous aimerions la connaÎtre davantage.
Suzanne, d'où vient ce petit accent que l'on perçoit
quand vous parlez?
S. B. - Je suis d'origine suisse; je suis née à Le Locle,
entre Morteau et La Chaux de Fonds: c'est une cité horlogère
de 15 000 habitants, à 1 000 mètres d'altitude, recouverte
de neige pendant trois à cinq mois l'hiver. Mes parents habitaient
un hameau et je fréquentais une école à classe unique.
Ma sœur et moi, nous y allions en tirant la luge avec les cartables
dessus; pour rentrer, ça descendait... beaucoup plus vite! A l'école,
l'éducation physique, c'était le ski. Nous jouions beaucoup
avec la neige. Je me souviens que nous creusions des sortes de rayonnages
dans les talus abrupts; nous les remplissions de cailloux, de menus objets
et moi, j'étais déjà... l'épicière!
C'est une région où le ciel est souvent très bleu
malgré un froid rigoureux. Comme je n'y ai plus de famille proche,
je n'y retourne pas très souvent, mais je lui reste très
attachée.
Comment êtes-vous arrivée en région lyonnaise?
S. B. - Par mon mariage. Auparavant, à 24 ans, je suis partie deux
années en Sicile dans le cadre de « l'Aide aux pays sous-développés».
Ce sont deux années qui ont vraiment marqué ma vie, d'autant
plus que j'étais là-bas au moment du grand tremblement de
terre de Palerme qui a fait 300 morts. J'ai donc fait partie des équipes
de premier secours, ça se passe de commentaires... On ne peut plus
vivre comme avant.
En 1974, installés à Lyon, nous cherchions un terrain pour
construire notre maison. C'est au hasard d'une promenade que nous avons
eu un coup de cœur pour Bagnols et que nous avons appris que le terrain
du Plan était en vente.
Tout de suite, vous avez fait partie de l'équipe d'Aide à domicile (ADMR.)...
S. B. - Oui. C'était la suite logique des deux ans en Sicile et
un moyen de connaître les gens et de participer à la vie
du village.
En 1983, vous vous présentez au Conseil municipal. Quelles étaient vos motivations?
S. B. - La politique ne m'intéresse pas. Très souvent, même,
elle me hérisse mais sur le plan local, il m'a paru intéressant
de participer à la gestion de la Commune. Je pense qu'il ne faut
pas attendre tout des autres, qu'il faut prendre sa part de responsabilités.
Vous étiez sécrétaire ; c'est quand même assez
éloigné d'un commerce d'épicerie...
S. B. - D'abord, il y a eu une coïncidence: j'ai rencontré
Monsieur le Maire qui avait dans sa poche la décision de fermer
définitivement l'épicerie et moi, j'avais dans, la mienne
ma lettre de licenciement économique.
Ce fut quand même une décision réfléchie: j'avais
le choix entre le chômage et l'attente incertaine d'un autre emploi
dans ma spécialisation et me battre, me reconvertir pour déboucher
sur une autre situation. D'évidence, il fallait choisir la deuxième
solution et je ne le regrette pas.
Que vous apporte votre nouveau métier?
S. B. - Le plaisir d'être chef d'entreprise avec ses responsabilités
: l'organisation, les échéances financières... Et
puis surtout, le contact avec les clients: au début, c'était
un peu le round d'observation; maintenant, avec la majorité, le
contact est établi.
Quelles sont vos principales difficultés?
S. B. - Le plus difficile, c'est l'approvisionnement en produits frais:
il est pratiquement impossible de prévoir la demande de la clientèle
dans ce domaine. On est toujours entre perte et manque. Il y a aussi le
handicap du temps de présence: il est indispensable d'ouvrir tôt
et de fermer tard; à midi, on complète le repas, on répare
les oublis, le soir ce sont les fumeurs...
Avez-vous des projets?
S. B. - Oui, bien sûr... Peut-être une petite surprise pour
Mardi Gras avec la présence de nouveaux produits. Je voudrais aussi
développer certains rayons, vendre des timbres: les gens qui travaillent
ne sont jamais là aux heures d'ouverture de la Poste.
Dans l'ensemble, êtes-vous satisfaite de ce travail ?
S. B. - Oui, tout à fait... Nous faisons actuellement l'inventaire,
et le premier bilan montre une activité en accroissement.
Si vous gagniez au loto ?..
S. B. - J'irais habiter Aigues-Morte !
Avec la mamie milliardaire... Mais encore, vous arrêteriez-vous de travailler?
S. B. - Ah, non! Je prendrais plus d'aide, mais je ne souhaiterais pas
cesser mes activités.
Avez-vous des violons d'Ingres?
S. B. - Oui, des violons d'Ingres efficaces: la couture, le tricot, j'adore...
et puis des violons d'Ingres artistiques: par exemple, j'aime beaucoup
faire de la peinture sur soie. J'aime aussi beaucoup la lecture, mais
il faut du temps et du calme pour tout cela; depuis que je tiens l'épicerie,
je les ai tous abandonnés. Je me réserve quand même
quelques moments pour la marche: j'adore me promener à pied, ça
me détend. J'aime aussi beaucoup les balades à vélo.
Merci, Suzanne, pour vos réponses si franches.
Nous admirons votre courage et votre enthousiasme. Nous vous souhaitons
beaucoup de réussite et ça, c'est aussi l'affaire et l'intérêt
de tous les Bagnolais.
Propos recueillis par F. M. et S. B.