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Depuis le 19 décembre 1988 (c'est un anniversaire !), vous êtes, Jean-Pierre, receveur-distributeur à la poste de Bagnols ; si les habitants du Bourg vous connaissent bien, vous et votre femme, les Bagnolais des hameaux ne voient plus de la Poste que l'anonyme 4 L jaune... Quant au bureau... on profite trop souvent des courses au Bois d'Oingt ou à Villefranche pour régler les opérations postales.
Alors qui êtes-vous, Roseline et Jean-Pierre, et comment êtes-vous arrivés parmi nous?
Roseline: Nous sommes nés tous les deux dans un
petit village de l'île de la Réunion; nous sommes allés
à l'école ensemble.
Jean-Pierre: J'ai quitté la Réunion à
18 ans, en 1974. Je voulais voler de mes propres ailes et il n'y avait
pas beaucoup de travail dans l'île... Je rêvais de la Métropole...
En 1974, j'obtiens un poste de facteur à Versailles. Après
l'armée, je m'installe derrière un des treize guichets de
la poste de Versailles; je ne trouve pas cela bien passionnant, aussi,
en 1977, je suis volontaire pour assurer un travail de nuit. Je garde
ce poste jusqu'en 1987. Des troubles de sommeil, des ennuis de santé
dûs à ce rythme anormal de vie m'obligent à l'arrêter.
Je passe un concours pour devenir receveur-distributeur.
Roseline: Entre temps, en 1978, Jean-Pierre est revenu
en vacances à la Réunion; nous nous sommes retrouvés
et je suis venue en France avec lui
et nous nous sommes mariés. Nous habitions Guyancourt, une ville
nouvelle près de Versailles. En 1979, Valentin est né ;
j'ai trouvé un poste d'agent de service dans l'Éducation
nationale. Nous avions très envie de quitter la ville et de vivre
dans un petit village qui nous rappellerait le nôtre, à la
Réunion.
Jean-Pierre: Voilà comment, en décembre
1988, nous avons accepté le poste de Bagnols ; ma femme a pu trouver
un emploi au lycée Claude Bernard à Villefranche.
N'avez-vous pas un peu la nostalgie de votre pays natal?
Roseline: Si, bien sûr; mes parents vieillissent
loin de nous, de leurs petits-enfants. C'est dur de n'avoir aucune famille
proche de chez soi. Mes quatre sœurs et mon frère sont restés
là-bas. L'an dernier, en mars, mes parents sont venus; c'était
la première fois qu'ils voyaient la neige...
Jean-Pierre: Ah ! les vacances... Nous avons droit à
soixante-cinq jours tous les trois ans pour retourner au pays. Toute la
famille attend à l'aéroport. De mon côté, j'ai
trois sœurs et deux frères; on n'a pas assez de temps pour
voir tout le monde!
Racontez-nous...
Jean-Pierre: Nous retrouvons la chaleur, la plage, les
longues promenades dans les montagnes, le sega qui est la danse du pays,
la façon de se nourrir (un peu à l'orientale car l'alimentation
est à base de riz), les fruits... Les paysages sont magnifiques:
beaucoup de maisons typiques ont été restaurées.
Nous voudrions bien en avoir une là-bas!
Alors, retournerez-vous à la Réunion?
Jean-Pierre: Je ne me fais pas d'illusions... Nous sommes
enthousiastes mais aussi déçus car tout va très vite,
trop vite, dans l'île. La Réunion devient un vaste chantier
d'aménagement pour le tourisme; la côte est livrée
aux bulldozers, les grands buildings nous infligent leur laideur. Pour
les autochtones, le chômage est la seule perspective.
Comment voyez-vous l'avenir à Bagnols ?
Roseline: J'espère que nous pourrons rester longtemps
ici.
Jean-Pierre: C'est difficile de faire revenir les gens à la poste
de Bagnols ; pourtant, le bureau marque une augmentation d'activité,
peu importante il est vrai, mais significative. Cela nous donne l'espoir
de conserver le bureau de poste.
Jean-Pierre et Roseline, bon séjour à Bagnols, et qu'il soit aussi long que possible. Mais au fait, n'est-ce pas aussi de la responsabilité de chaque Bagnolais qu'il en soit ainsi?
SB.