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A voir également : Célébration
du 8 Mai 1945
Vers l'aube. Texte de Joannès Durand qui, prisonnier,
plusieurs fois évadé et retenu dans les camps en Pologne,
refusa toute démission. Il nous parle ici, depuis le front de l'Aisne,
le 11 Juin 1940.
« Nous étions au 11 juin 40; après la tragédie
de Dunkerque, les blindés allemands, appuyés par l'aviation,
avaient sectionné tout notre front. Depuis le 4 au matin, l'attaque
faisait rage et, après l'Ailette, après le chemin des Dames,
l'Aisne était franchie à son tour par l'ennemi; Vailly-sur-Aisne
abandonné, puis Chassemy, Braine et nous allions aussi quit¬ter
Limé.
Placé au carrefour des deux routes qui, au sud de Limé rejoignent
toutes deux Mont¬Notre-Dame et Quincy-sous-le-Mont, j'avais mission
de récupérer les isolés qui avaient perdu le gros
de la troupe et de les remettre sur la bonne voie. La nuit lentement était
venue, une nuit de juin déjà claire par elle-même
mais toute déchirée par les fusées éclairantes
qui matérialisaient la ligne de front, ce front mouvant toujours
plus avant vers le sud.
De part et d'autre, les artilleries se répondaient mêlant
aux coups secs des départs le bruit plus mat des éclatements
qui s'assourdissent contre l'obstacle. La lune se leva et derrière
moi, sur le bord de la route, je vis un calvaire surmonté d'une
croix de bois. Hâché par la mitraille, le corps du crucifié
avait été brisé et gisait au sol par lambeaux. Seuls,
les clous avaient retenu encore au bois de la croix une partie des pieds,
un poignet et une main. Deux doigts seulement restaient à cette
main mutilée, mais le poids du poignet avait fait pivoter la main
autour du clou et ces deux derniers doigts se trouvaient dirigés
vers le ciel.
Ce Christ brisé, démantelé, ce second sacrifice du
calvaire, plus douloureux, plus com¬plet que le premier jusqu'à
l'anéantissement du corps, n'était-ce pas l'image de notre
pays vaincu et déchiré ou plutôt celle de notre armée
brisée et démantelée elle aussi en ces tra¬giques
jours de juin ... ? de notre armée arrachée en lambeaux,
harcelée sans cesse, fuyant toujours pour échapper ou bien
déjà cernée, désarmée, reformée
en longs convois qui, par les routes du nord de la Belgique et de la Hollande,
marchait des jours durant au mépris de la fatigue et de la faim,
vers le sort angoissant de l'exil.
.le ne sais plus quel Poète a pu dire que lorsque tout semble perdu,
submergé, déjà blanchit l'aube d'un lendemain meilleur.
Sous la lune blafarde de cette nuit de juin 40, dans le geste éternel
de ces deux doigts dressés vers l'espérance, peut-être
se levait déjà l'aube d'un lendemain meilleur. . .! Celle
du 8 mai »
La prise du Château de
Bagnols.
(relate l'arrivée des Allemands, telle qu'elle fut vécue,
8 jours plus tard, le 19 Juin 1940, par un enfant de
neuf ans, Pierre Boucheron, fils des facteurs de Bagnols. Cellui-ci évoque
avec humour "l'atmosphère", les gens et le vocabulaire
de cette époque.)
« A Bagnols, Elle s'y est déroulée, mon enfance, de
janvier 1937 à janvier 1941 (Pierre
Boucheron). Ces deux dates encadrent des événements
qu'il est inutile de rappeler...
...Septembre 1939 met définitivement fin à
notre enfantine insouciance : je me revois, la main dans la main de mon
père, sa musette de vieux trouffion -rappelé en bandoulière,
valise en carton à la main droite, ma mère tenant mon autre
main, et ainsi tous les trois pleins de chagrin et de pleurs contenus,
descendant la coursière qui mène du bourg de Bagnols au
hameau de Saint-Paul, l'accompagnant un bout de chemin pour prendre son
train et rejoindre son régiment. Rien n'effacera jamais cette immense
tristesse du moment née de la déchirure de l'Histoire et
de notre histoire à nous, enfants.
Arrive juin 1940 : ce n'est plus la " drôle
de guerre ", c'est la guerre tout court, pas drôle du tout
pour tous ces civils fuyant devant l'ennemi en longues files hétérogènes
et hétéroclites...
19 juin 1940: ."Ils arrivent "... Non, ce n'est malheureusement pas les coureurs du Tour de France, mais les unités motorisées de la Wehrmacht! La receveuse des Postes de Monsols l'annonce au receveur de Villefranche: tous les postiers des alentours devaient connaître la triste nouvelle dans la matinée, dont ma mère remplaçant mon père mobilisé.
Les adultes sont dans l'anxiété: la seule défense
armée du village est constituée par le canon paragrêle
du père Mathieu dissimulé derrière le clos de chez
CouIon...
... Soudain on voit déboucher à l'angle de la tour sud du
mur d'enceinte (du château), un side-car avec deux soldats allemands
casqués, armés, lunettés. Ils virent rapidement sous
le portail grand ouvert, cahotant sur les pavés inégaux,
et pénétrait dans la première cour. Notre stupeur
passée, tous deux et sans aucune prudence, nous fonçons
sur leurs talons, ces deux "boches" nous ayant paru avoir un
comportement plus touristique que guerrier, du moins dans nos cervelles
de huit et neuf ans.
Le père et la mère Crozier, alertés par le bruit de la moto, sont vite sur les lieux. Un des deux allemands parle un français à peu près compréhensible; il leur intime l'ordre de leur faire visiter le château...
...Son petit reportage terminé, il nous dit en substance:
"Vous, prisonniers sur place" et montrant "objectif"
de son appareil «"Après, vous prisonniers en Allemagne
", et il rigole, satisfait de sa grosse bulle aussi légère
que son équipement.
... Si je vous ai raconté cette
petite histoire, petite miette
de la grande Histoire, c'est que je suis, de la première le seul
témoin oculaire encore vivant. ....»
(Pierre Boucheron - Chronique de l'an 40
en Juin 1990)
Le 10 septembre 1944 au soir, une compagnie motorisée,
commandée par le Capitaine Barbier et dépendant de la Division
Leclerc, s'arrêta et stationna sur la place de Bagnols avec auto-mitrailleuses,
comand-cars, jeeps, etc. et environ deux cents hommes. Le quartier général
fut installé dans la classe qui est maintenant celle de Madame
Barre!. Les chemins donnant accès à Bagnols furent bloqués
par des mitrailleuses. Ils repartirent le matin suivant et libérèrent
Anse. C'est à ce moment que s'inscrit un événement
tragique.
Au matin du 11 septembre, lorsque la colonne se forma et quitta Bagnols,
une reconnaissance fut effectuée en jeep par un sous-officier.
Dans les bois de Lachassagne, cette jeep sauta sur une mine et le sous-officier
fut tué. Un gradé allemand, probablement un sous-officier,
lui aussi en reconnaissance (le gros de l'armée allemande était
à Anse) ouvrit le feu sur la colonne. Celle-ci riposta et il fut
blessé. Une autre jeep se dégagea de la colonne, fit demitour
et ramena l'Allemand à Bagnols où il fut installé
sous le portail situé entre la maison Sauvage et la maison appartenant
aux Mathieu.
Le Père Zéman, un réfugié lorrain habitant
Frontenas et desservant les paroisses de Moiré, Bagnols et Frontenas,
fut alors appelé de toute urgence: l'Allemand était blessé
à mort. Le Père lui donna l'extrême onction et il
mourut.
Il fut enterré près de la chapelle de Saint Roch au Plan.
Sa dépouille, roulée dans une couverture, fut mise dans
un cercueil très simple. Le lieu de sépulture fut recouvert
de pierres et une croix de bois fut plantée. Monsieur Laroche,
président du Comité de Libération de Bagnols, ainsi
que le Père Zéman et Claude Dumont le fossoyeur assistèrent
à cet enterrement.
Autour de 1953, je crois, le cercueil fut exhumé et envoyé
dans un cimetière allemand. Le carnet qui avait été
trouvé sur lui après sa mort fut mis en dépôt
à la mairie puis fut renvoyé à la famille. Je n'ai
jamais pu apprendre le nom de cet Allemand.
Durant la dernière guerre, le château de Bagnols joua un
rôle assez important. Monseigneur Gerlier, alors archevêque
de Lyon, y fit mettre par l'intermédiaire du chanoine Macé,
les trésors de la cathédrale de Saint Jean pour les préserver
des bombardements. Les vitraux, les vieux ouvrages et les ornements des
messes pontificales se retrouvèrent alors dans les dépendances
du château (21). , Joseph Gutty
fut l'un des 'Garde musée' à cette époque.
Parallèlement, les Musées Saint Pierre de Lyon et de France
disposèrent des tableaux dans les grandes salles (21 ).
Des officiers du lie Bureau cachèrent au château des munitions
pour les soustraire aux Allemands. Enfin c'est aussi à Bagnols
que le bulletin clandestin d'information de presse du Comité National
des joumalistes vit le jour et fut ronéotypé (21).
(20) Paul Melot
(21) - Le Patriote - 18 septembre 1944.
1945 :A la libération, en 1945,
les cloches de l'église sonnèrent durant 48 heures non-stop
(les gens se relayaient jour et nuit).
Séance du conseil Municipal du 15 Novembre :
« Le conseil, vu la souscription en cours pour l’érection
à Létra d’un monument commémoratif de la mort
de 5 FFI, vote une subvention de 500 francs exempte du prélévement
de 10 %, à mandater sur les dépenses imprévues".
1953 : Le conseil charge Mr le Maire de faire les
démarches nécessaires pour que le corps du soldat allemand
inhumé dans le pré communal lieu du plan, soit transféré
dans un cimetière spécial.
2010 :Dans le cadre de la commémoration du 70e
anniversaire des combats de 1940, et à la demande du Président
de la République, le Secrétaire d'Etat aux anciens combattants
a décidé d'établir un diplôme d'honneur pour
les vétérans de la guerre de 1940. François Godde,
maire de Bagnols, a remis en Juillet à Marius Rivière, doyen
des Bagnolais, résidant à la maison de retraite de Montmelas,
ce diplôme d'honneur, en présence de Claude Perrussel, président
cantonal des anciens combattants. Marius Rivière était entouré
de son épouse, de trois de ses enfants, et du directeur de l'établissement.
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